Michaël FERRIER
ILS SONT DEBOUT !
Petits portraits
de 5 artistes contemporains
africains
El Anatsui, 2015-Kanazawa-Perspectives
L'archipel japonais et le continent africain semblent deux mondes ayant peu de relations entre eux : ils entretiennent pourtant des rapports discrets mais de longue date.
Sur le plan économique, même si « les entreprises japonaises restent très réticentes à investir sur un continent dont elles connaissent mal les problématiques et qui leur semble lointain et dangereux », comme le rappelle Céline Pajon dans ses notes sur « La diplomatie économique du Japon en Afrique », le Japon peut tout de même être décrit comme un « partenaire discret mais efficace de l'Afrique » (voir le numéro spécial de Jeune Afrique consacré aux relations nippo-africaines).
Sur le plan politique également, le Japon - premier pays non-blanc victorieux d'une puissance européenne (les Russes), en 1905 - se présentant lui-même comme se dressant « seul contre l’impérialisme blanc des Anglo-Saxons pour la libération de l’Asie » (Pierre Souyri, Moderne sans être occidental : aux origines du Japon d'aujourd'hui), a pu jouer un rôle de modèle dans les rêves d'émancipation des Afro-américains et même être décrit comme « le champion des races noires », comme l'analyse un livre déjà ancien (African American Views of the Japanese, de Reginald Kearney). Le fameux livre de Numa Shôzô, Yapou, bétail humain, y fait d'ailleurs référence à de nombreuses reprises.
Sur le plan artistique enfin, si les relations sont moins anciennes, elles n'en connaissent pas moins aujourd'hui une actualité vive et passionnante. Les textes qui suivent ont été écrits à l'occasion de l'exposition consacrée à la collection d'art africain du Musée d'art de Setagaya (世田谷美術館), à Tokyo. Dès 1989, ce musée avait organisé une petite exposition solo de l'artiste ghanéen Saka Acquaye (1923-2007), touche-à-tout de génie (peinture, sculpture, musique, art textile), trop peu connu en France, qui fut notamment le maître d'El Anatsui et l'un des inspirateurs d'Ablade Glover, dont nous parlerons ci-dessous. Ce fut la première exposition d'un artiste contemporain africain au Japon.
Elle fut suivie en 1995 d'une grande exposition intitulée An Inside Story: African Art of Our Time (Une histoire de l'intérieur : l'art africain de notre temps), rassemblant cette fois des artistes variés d'Afrique centrale et occidentale, dont le but était d'ouvrir de nouvelles perspectives sur un art qui n'était juste alors considéré bien souvent que sous l'angle des masques traditionnels et des statues sacrées, ou des peintures tribales dites « primitives ».
Enfin, du 7 avril au 3 novembre 2018, une nouvelle exposition rassemblant les œuvres permanentes de la collection d'art contemporain africain du Musée d'art de Setagaya fut proposée au public. Les cinq textes qui suivent en sont issus mais ne sont que des aperçus : griffonnés à la hâte à la sortie de cette exposition, ils ne prétendent pas rendre compte de la variété de ces œuvres ni de leur extraordinaire pouvoir d'évocation. Puissent-ils cependant constituer un prélude ou une invitation à regarder de près ces artistes souvent réduits à des porte-paroles de leurs traditions, mais qui sont surtout, appuyés sur la formidable diversité de leur continent, les créateurs sans frontières de quelques-unes des œuvres les plus magistrales du monde de l'art contemporain.
Michaël Ferrier
Petit portrait numéro 1
La générosité d'Ablade Glover
Ablade Glover dans son atelier
Source : The Purple Mango Pandemonium
Petit portrait numéro 2
Les Migrants d'El Anatsui
El Anatsui au Musée d'art contemporain de San Diego. Photo : Nancee E. Lewis
Source :The San Diego Union Tribune